Bakkerij : que peut-on apprendre des Néerlandais ?
Visites de boulangeries au pays du Crompousse, lors d’un échange culturel entre des artisans français et néerlandais organisé conjointement par L’Atelier m’alice et le Bakery Institut.
Deux fleurons de la formation en boulangerie artisanale en France et aux Pays-Bas — L’Atelier m’alice, centre de formation adossé aux Moulins Associés, et le Bakery Institut d’Amsterdam — ont créé un échange culturel entre artisans boulangers travaillant leurs pains au levain. Ils ont missionné pour ce faire deux ambassadeurs de la relation artisanale : Faustine Tchakamian, en charge du développement du Benelux pour la Minoterie Suire ; et Lionel Broilliard, expert en pilotage d’entreprises. Début avril, les artisans néerlandais sont venus visiter des boulangeries à Nantes et à Angers. Au mois de novembre, c’était au tour de l’équipe française de se rendre aux Pays-Bas.
L’occasion de constater que le contexte culturel y est bien différent. La boulangerie à la française n’en est qu’à ses prémices, dans un pays habitué à des pains plus proches du pain de mie. La concurrence est nettement moins rude et le consommateur, s’il tient pareillement à la qualité, est moins exigeant en termes de disponibilité des produits jusqu’au soir. Des différences qui semblent mineures de prime abord mais qui, comme nous allons le voir, amènent à une vision bien différente du métier.
Novembre 2023, les Pays-Bas
À notre arrivée à Amsterdam, Faustine Tchakamian nous met directement dans l’ambiance avec la “spécialité locale”, le Crompousse, un croissant fourré à la crème au beurre et recouvert d’un nappage rose. Puis, à peine les valises posées à l’hôtel, nous allons rencontrer Luz Brandt, qui dirige depuis quatre mois Bbrood, en plein centre-ville.
Bbrood
La spécialité de Bbrood est son centre de production faisant office de centrale d’achats pour chaque patron de magasin de l’enseigne. Ici, seules les viennoiseries sont cuites sur place, tout le reste est livré chaque jour. Ni les loyers ni les prix de l’énergie ne sont moins chers qu’en France. Les gammes sont très courtes et, de facto, le chiffre d’affaires l’est également… Le prix des viennoiseries est quant à lui très élevé par rapport à la France.
Par ailleurs, aux Pays-Bas, boulangers et pâtissiers s’en tiennent à leur métier… une philosophie qui tranche avec nos magasins aux plus de 150 références. Autre élément qui ressortira de ces premières visites : les horaires. Bien plus restreints qu’en France, ces derniers répondent à une capacité de production tout autant qu’à la volonté des Neerlandais d’avoir une vie de famille dès la fin de l’après-midi. Les boulangers produisent ainsi ce dont ils ont besoin de vendre, pas plus.
Baking Lab
Visite du Baking Lab à Amsterdam, tenu par Ferdinand Doumic (un Français) et Jechiam Gural. « J’ai commencé comme boulanger à domicile. J’aimais tellement le processus que j’ai décidé de tenter ma chance sérieusement, nous a raconté ce dernier. Baking Lab m’a proposé une position de bénévole. J’ai adoré, et maintenant je travaille là-bas à plein temps. » Aux Pays-Bas, il est ainsi possible de créer une boulangerie dont les collaborateurs sont des bénévoles qui offrent deux à trois jours par semaine de leur temps pour apprendre à fabriquer du pain.
Les boulangeries locales ont une organisation militaire : chaque chose est à sa place. Elles disposent également de matériels très ingénieux, qui facilitent la vie des collaborateurs. Nous nous en inspirerons à notre retour en France.
Bakkerij Puur uit de Schuur
Illustration lors du dernier jour et la visite d’établissements proches de Rotterdam avec Tim van Dalen et sa boulangerie Bakkerij Puur uit de Schuur… Tim est ultra organisé. Il livre tous les restaurants et tous les hôtels autour. Il nous attend avec femme et enfants dans son garage, car c’est bien dans un garage entièrement aménagé qu’il fabrique des produits d’une qualité exceptionnelle ! Quelque 20 m2 pour produire autant c’est juste fabuleux : chaque tuyau, chaque câble, chaque caisse a sa place… c’est au moins aussi fonctionnel pour Tim que la fusée SpaceX pour Thomas Pesquet. Sa philosophie de travail, que nous retrouverons chez tous, il nous l’explique parfaitement : « Le travail est suffisamment dur et prenant pour rapidement oublier nos proches… il était important pour moi de faire le métier que j’aime sans jamais négliger ma présence en famille. Là, j’ai à peine trente mètres à faire pour rentrer à la maison. Je suis boulanger depuis l’âge de 14 ans. J’ai travaillé dans de nombreuses boulangeries à Amsterdam mais aussi à Sydney, en Australie, et même à Kampala en Ouganda. Le monde du pain est si vaste, il est en constante évolution. Je continue à découvrir de nouvelles choses. Je suis également devenu enseignant en boulangerie. Pour moi, l’équilibre entre la boulangerie et l’enseignement dans ma boulangerie une fois par semaine est très agréable. »
Echt Brood
Dernière visite de ce périple savoureux, à la rencontre de Joris Van Duijnhoven de la boulangerie Echt Brood. Joris est un pragmatique qui enfoncera le clou d’une tradition locale bien ancrée : la formation. Il donne des cours à ses clients aussi souvent que possible, vendus entre 95 et 105 € : de quoi ajouter du beurre dans les croissants ! « Avant de me lancer dans la boulangerie, j’ai poursuivi diverses études, les dernières en commerce international de gros. Après cela, j’ai complété une formation de boulanger et de pâtisserie. Avoir une routine claire, connaître les tâches du matin et avoir un après-midi planifié offre un rythme que je trouve important et agréable », explique-t-il.
En résumé
La boulangerie artisanale française continue de s’exporter merveilleusement bien en Hollande. Elle propose une excellence en termes de produits mais se noie parfois dans des contraintes qu’elle s’est imposée au fil des années.